À travers ses œuvres, Christophe Grimpard raconte des histoires fabuleuses qui se transforment à mesure qu’elles se racontent. Instables et énigmatiques, ses tableaux, à « entrées multiples », sont constitués de plusieurs toiles ; souvent un grand format encadré  et comme légendé, dans sa marge, par une bande de petits formats. Ce principe de juxtaposition, un montage d’images qui n’est pas sans rappeler l’écriture cinématographique, autorise une circulation du sens qui, laissée libre, échappe à la narration linéaire et univoque. Éclectiques, les éléments viennent contaminer la toile centrale. Cette transmission mécanique évoque encore la construction du récit mythologique, constitué de mythèmes sortes de séquences interchangeables. Sans cesse renouvelé, le mythe fondateur se réécrit, à l’exemple d’un jeu de dominos, en fonction des exigences du moment.

Opérant par glissement, Christophe Grimpard mêle avec audace, sa petite histoire – témoignages et décors intimes dont une collection d’objets étranges et d’images fabuleuses - à des références volontairement marquées et appuyées à « l’Histoire de l’Art ». La filiation, à la peinture ancienne espagnole, flamande et italienne en particulier, est clairement assumée. Allant jusqu'à reprendre traits pour traits des compositions entières, il les découpe, les fragmente, les transfigure. En y injectant des ingrédients autobiographiques, portraits de ses proches, espaces privés - ainsi que des éléments fictionnels issus de son cabinet de curiosités, objets étranges ou images fabuleuses, documents du moyen age, fabliaux, hybrides, monstres marins, formes étranges, algues anthropomorphes , il crée une « réaction dialectique » qui réactualise sine die  et revivifie la Peinture: confusions des genres, lieux et époques.

Il y a du mouvement dans les toiles de Grimpard, l’un en profondeur - par un jeu de stratification , glacis et transparences - qui creuse l’espace de la toile, comme si le passé affleurait, l’autre, latérale qui contamine la toile centrale. Au-delà de l’anecdote, le Sujet est avant tout « prétexte  à peindre », et l’on retrouve comme chez Vélasquez ou chez Goya, une liberté purement formelle ; aplats mats, brossés, jetés, marquant un temps d’arrêt ou repentirs volontaires et opportunément utilisés pour évoquer le mouvement. Ce « bougé », cette instabilité, que nous retrouvons chez des artistes tels que Francis Bacon, Marlène Dumas ou encore Marc Desgrandchamps, cette maîtrise du palimpseste, entre disparition et apparition nous rappelle que le réel ne peut s’offrir en une seule vision, en une seule version.

Nathalie Contenay 2009